PODCAST: Il faut montrer que l’Europe est capable de combiner une forte croissance économique et des niveaux élevés de protection sociale et environnementale (M. Wallström, Euros du village, 10/12/06)

Publié le par François Alex

 

Margot WALLSTRÖM : "Nous devons être plus professionnels" (PODCAST - bilingue FR/EN)

 

medium_thumb_invitelogobleu.jpg Interview avec la Vice-Présidente de la Commission européenne, en charge de la stratégie de Communication. Vous ne trouverez ça que sur "Euros du Village"


 

Margot Wallström a reçu les Euros du Village pour une longue interview sur son rôle au sein de la Commission et les défis posés à l'Union Européenne quant à sa politique de communication. Un entretien préparé en collaboration avec les internautes, intégralement disponible en podcast.

Margot WALLSTRÖM : "We have to become more professional"
Interview with the Vice-President of the European Commission, in charge of the Communication strategy. Only on "Euros du Village"
Margot Wallström is the guest of "les Euros du Village", for a long interview on her role within the European Commission and the challenges that the European Union faces regarding communication policy. An interview prepared in co-operation with our readers, integrally available in podcast.
 

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Audio version / Version audio
 
Question 1
podcast
EN. Your role was created by president Barroso, can you explain to us in a few words what he asked you to do and why this role is this important?
FR. Votre poste a été créé par le président de la Commission, Mr. Barroso, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste votre travail et pourquoi ce rôle est si important ?
Question 2
podcast
EN. Surely it’s up to national governments to communicate on Europe and they do it as members of the Council of the EU, so in communicating about the EU is a Commission not overstepping its role and speaking over members states, in other words, do you think member states don’t do their job?
FR. Il est évident qu’il incombe aux gouvernements nationaux de communiquer à propos de l’Europe et ils exercent d’ailleurs ce rôle en tant que membres du Conseil. En conséquence, en communiquant, la Commission  n’outrepasse-t-elle ses compétences en parlant au-dessus des Etats ? En d’autres termes pensez-vous que les Etats membres ne font pas leur
travail?
Question 3
podcast
EN. What do you intend to communicate more specifically about? About the cost of the non-Consitution, EU policies, or about Europe in general?
FR. Vous avez l’intention de communiquer sur quoi ? Sur le coût du refus de la Constitution, les politiques européennes, ou l’Europe en général ?
Question 4
podcast
EN. Surely, local leaders are in the best position to bring Europe closer to its citizens, I’ve read your plan D and your communication strategy, I haven’t seen this local issue though, what will you be doing to involve these important links? 
FR. Les leaders politiques locaux sont de toute évidence les mieux placés pour rapprocher l’Europe de ses citoyens. J’ai lu votre plan D et votre stratégie de communication, mais je n’y ai pourtant pas aperçu les représentants locaux. Que comptez-vous mettre en place pour créer ces liens primordiaux ?
Question 5
podcast
EN. In your plan D and communication strategy, you’d like to use the Internet. Many of our readers and NGOs suggested tools like a Pan-European referendum or Internet consultations and both of which came up in Bergamo. Do you think Internet consultations could be a new tool? 
FR. Dans votre plan D et votre stratégie de communication, vous dites vouloir utiliser internet. Plusieurs de nos lecteurs et certains membres d’Organisations non gouvernementales ont suggéré des outils, tel qu’ un référendum Pan-européen ou des consultations via Internet, ce qui a d’ailleurs été abordé à Bergame (Forum de la Société civile européenne). Pensez-vous que des consultations via le net constituent un nouvel outil potentiel ?
Question 6
podcast
EN. Concerning civil society, you said in Bergamo that you intend to evaluate NGOs’ proposals, and Mr. Sorensen said that these proposals will be shown to European leaders, but what is exactly the future of these proposals?
FR. En parlant de société civile, vous avez avancé l’idée, à l’occasion de Bergame, que vous aviez l’intention d’évaluer les propositions faites par les ONG, et Mr. Sorensen (le directeur général de la Communication de la Commission) a suggéré que ces propositions seraient soumises aux leaders européens. Qu’en est-il exactement du futur de ces propositions ?
Question 7
podcast
EN. The better regulation initiative scrapped around 70 regulatory proposals in order to create a more efficient Europe. One of the proposals the Commission scrapped was the status of European association, which would have been a useful tool for developing European civil society. For example, at les EurosDuVillage, we now have to create different national entities in order to develop at the European level. Can you tell us if this proposal will ever be back on the agenda?
FR. La Commission, via l’initiative « mieux légiférer » a récemment retiré prés de 70 propositions législatives n’ayant pas été discutées par le Conseil afin d’établir une Europe plus efficace. La proposition visant à créer un statut d’association européenne a été une de celles-ci. Pourtant, un tel statut aurait constitué un moyen utile pour développer la société civile européenne. Par exemple, aux Euros du Village, nous sommes en train de créer des entités nationales afin de se développer au niveau européen. Pouvez-vous nous dire si une telle proposition réapparaîtra un jour ?
Question 8
podcast
EN. My question is about Strasbourg, you’ve spoken quite a lot about it before, but just so that people can hear it on the website. You described the commute to Strasbourg as “insane”. How difficult is it to communicate policies that you don’t necessarily think are logical?
FR. Ma question se réfère à Strasbourg, vous en avez déjà beaucoup parlé auparavant, mais juste pour que les auditeurs puissent avoir votre avis grâce à notre site web… vous avez taxé le trajet régulier de Bruxelles à Strasbourg de « démentiel ». Est-il difficile de communiquer à propos de politiques que vous estimez illogiques ?
Question 9
podcast
EN. There was a recent thing online with young people in the pressroom and there were these youth interacting and asking you questions. To be honest it was very hard to watch as even as an adult with an interest in Europe: it was slow, you could hear people speak in the background, it was badly filmed, and I was just wondering, is that the future of youth interaction?
FR. Vous avez publié une vidéo sur le net récemment, cela se passait dans une salle de conférence et des jeunes présents dans la salle vous posaient des questions. Pour être honnête, même en tant qu’adulte avec un intérêt pour l’Europe, cette vidéo a été très difficile à regarder : la qualité était mauvaise, il y avait des bruits de fond, et je me suis posé la question : est-ce cela le futur de l’interaction entre les jeunes et l’Europe ?
Question 10
podcast
EN. Another question on the message that you think the Commission is sending on Turkey to EU citizens, as it’s been perceived as being really negative, talks are frozen, now chapters are being closed. What sort of message do you think the Commission is sending to its EU citizens on Turkey and to Turkish citizens?
FR. Une autre question à propos du message que la Commission envoie à propos de la Turquie. Selon vous, puisque celui-ci est perçu de manière très négative :  les discussions sont gelées, mais aucun des chapitres de négociation n’est fermé… Quel genre de message, selon vous, la Commission envoie-t-elle aux citoyens européens et aux citoyens turcs à propos de la Turquie ? 
Question 11
podcast
EN. One French reader of ours studied in Sweden, and she was surprised to find strong nationalistic sentiments among students in the country. So she would like to ask you, as vice-President of the Commission, but also as a well-known social-democrat in your country, whether you would be able to reverse this nationalist trend.
FR. Une étudiante française ayant étudié en Suède et lectrice de notre site a été étonnée de rencontrer un sentiment nationaliste parmi les jeunes de ce pays. Elle  voudrait donc vous demander, en tant que vice-présidente de la Commission mais aussi en tant que personnalité de premier rang du parti social-démocrate dans votre pays, si vous seriez en mesure de renverser cette tendance nationaliste.
Question 12
podcast
EN. The “together” logo - a lot of people, I’m sure as you know, didn’t like it and it came under attack. Do you think that the sort of division that it immediately sparked is symbolic?
FR. Justement, parlons du logo « Ensemble depuis 1957» des célébrations du cinquantième anniversaire du traité de Rome. Comme vous le savez sans doute, beaucoup de personnes l’ont rejeté et attaqué. Pensez-vous que la division que ce logo a immédiatement provoquée est révélatrice d’un problème plus profond?
Question 13
podcast
EN. As you mentioned, at the beginning, the EU existed to create peace as the EU had a project. What concrete message is Europe communicating today? Does the EU have enough to sell itself to build ownership of Europe?
FR. Comme vous l’avez dit au début de l’entretien, l’UE a été créée pour assurer la paix en Europe. Quel est le message concret que l’Europe véhicule aujourd’hui ? L’Union a-t-elle assez à proposer pour bâtir un sentiment d’appartenance ?
 
Interview by Xavier LE DEN, Mathieu COLLET and Daisy AYLIFFE / Re-transcription and traduction : Camille DE REDE

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Transcription et traduction de l'anglais : Camille DE REDE

Xavier LE DEN : Nous allons commencer par des questions assez générales. Votre poste a été créé par le président de la Commission, Mr. Barroso, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste votre travail et pourquoi ce rôle est si important ?

Margot Wallström : Mon portefeuille comprend en réalité quatre tâches. La première, et ô combien importante, se réfère à la nouvelle politique de communication ; deuxièmement, je suis également responsable des relations avec le Parlement européen et le Conseil : les fameuses relations inter-institutionnelles. Je suis aussi en charge du rapport avec les parlements nationaux, ce qui constitue une tâche toute nouvelle; il s’agit là d’établir des relations avec ces derniers ; enfin, je m’occupe de questions constitutionnelles. J’ai donc un nombre de responsabilités  horizontales transversales difficiles, qui courent sur le long terme, sans compter que nous avons également besoin d’une nouvelle politique de communication. Nous devons faire en sorte de préserver de bonnes relations avec les autres institutions, nous voulons nous améliorer dans la communication avec les parlements internationaux ainsi qu’impliquer les parlements nationaux. Nous devons également régler la problématique constitutionnelle. Il était donc clair que je convenais tout à fait pour ces tâches étant donné mon parcours professionnel car nous devons travailler sur ces quatre points.

XLD : Entendez-vous par là que la stratégie de communication de la Commission n’était pas assez développée avant votre arrivée à ce poste?

MW : En effet, cette stratégie n’était pas suffisamment développée, nous avions mis sur pied un certain nombre de stratégies au cours des dernières années, je pense d’ailleurs qu’elles sont au nombre de quatre. Nous avons donc réfléchi à tout ceci et sommes arrivés à la conclusion qu’il nous fallait encore nous mettre d’accord sur les principes et le fait que nous partagions la responsabilité non seulement au sein de la Commission, mais aussi dans les autres institutions ainsi que dans les Etats membres. Nous devons aussi être plus professionnels dans la façon dont nous traitons ces points.

XLD : Il est évident qu’il incombe aux gouvernements nationaux de communiquer à propos de l’Europe et ils exercent d’ailleurs ce rôle en tant que membres du Conseil. En conséquence, en communiquant, la Commission n’outrepasse-t-elle ses compétences en parlant au-dessus des Etats ? En d’autres termes pensez-vous que les Etats membres ne font pas leur  travail?

MW : Je pense qu’il est facile de juger et de lancer des accusations à tort et à travers, ce qu’ont fait non seulement les Etats membres mais aussi les Institutions. Ceci est évidemment problématique. Si les ministres rentrent chez eux et rejettent la faute sur l’Union car ils n’obtiennent pas ce qu’ils souhaitent, nous aboutissons à une situation vraiment difficile. Nous devons mieux écouter, c’est le premier principe, nous devons mieux défendre notre travail, nous devons expliquer les raisons de telle ou telle décision aux citoyens, nous devons également  travailler davantage au niveau local. Ceci constitue donc les trois principaux objectifs de la nouvelle politique de communication. Non seulement les institutions doivent adopter une politique de communication claire car nous nous devons de faire savoir aux citoyens ce que les institutions font exactement, mais les Etats membres doivent aussi s’engager dans cette approche des choses, ce sans quoi il serait très difficile d’atteindre un réel dialogue.

XLD : Vous parlez de coopération, un de nos lecteurs a suggéré que les Etats membres se font une joie de critiquer la Commission.  Celle-ci devrait-elle par conséquent  adopter une approche plus ferme et agressive dans sa stratégie de communication à l’égard  des Etats membres ?
 
MW: Non, nous devons établir un partenariat et devons être clairs sur le fait qu’il s’agit ici du rôle de toutes les institutions. Je ne pense donc pas que nous puissions réaliser cela de manière conflictuelle avec les Etats membres, mais nous devrions plutôt faire en sorte de les impliquer. Nous devons également mettre en valeur le fait que l’Union européenne est en réalité une autre scène politique, il s’agit d’une sphère où vous rencontrez des idées politiques différentes et où d’autres idéologies sont représentées. Tout ceci doit également être clarifié aux yeux des citoyens. Je parle ici du fait qu’il existe des représentants aux points de vue différents les uns des autres au sein de la Commission. Nous bénéficions donc d’un débat très animé mais nous devons également expliquer comment tout cela fonctionne et nous devons faire en sorte que les voix des citoyens puissent être entendues. C’est donc réellement mon travail: donner une voix aux citoyens européens.

Mathieu COLLET : Vous avez l’intention de communiquer sur quoi ? Sur le coût du refus de la Constitution, les politiques européennes, ou l’Europe en général ?

MW: Je crois que nous avons l’obligation d’informer les citoyens sur notre travail dans sa globalité. Nous devons planifier et classer les grands points par ordre d’importance, ainsi qu’établir l’agenda politique pour la Commission et les Etats membres. Il va de soi que le Conseil et le Parlement européen devront faire de même. C’est donc ce que nous faisons chaque semaine, nous décidons des sujets à aborder avec les journalistes en conférence de presse, sur la manière dont nous pourrions consulter les citoyens et la façon de recueillir des réactions. Tout cela  donc est à l’ordre du jour. Il reste que ce n’est pas facile, car tout ceci reste une grande « machine à faire des compromis » qui, comme je l’ai dit plus tôt, traite de tout, de la législation sur les saucisses jusqu’au processus de paix au Proche Orient. Comment donc communiquer en 20 langues officielles ?

Il ne faut pas non plus oublier que la plupart des citoyens ne savent même pas ce que font les institutions en détail : le Parlement, la Commission, le Conseil, leur rôle, et comment tout cela fonctionne en pratique.

MW: C’est précisément un des points que nous abordons dans le livre blanc quand nous proposons une nouvelle stratégie de communication. Nous pensons qu’une éducation civique est nécessaire, à moins évidemment que les Etats membres n’expliquent dans leur programme scolaire comment fonctionne l’Union européenne. Il est bien plus difficile de communiquer tout cela à un âge plus avancé. Tout ceci doit donc commencer tôt, c’est-à-dire pouvoir avoir une chance en tant que jeune, mais aussi en tant que  citoyen, de comprendre comment les institutions sont établies et comment faire part de son opinion sur le système dans son ensemble.

MC : Les leaders politiques locaux sont de toute évidence les mieux placés pour rapprocher l’Europe de ses citoyens. J’ai lu votre plan D et votre stratégie de communication, mais je n’y ai pourtant pas aperçu les représentants locaux. Que comptez-vous mettre en place pour créer ces liens primordiaux ?

MW: Les instruments ou outils dont nous disposons reposent sur nos représentations dans chaque pays membre. La Commission, en tant qu’institution, possède des bureaux dans chaque pays membre. Nous pensons que nous pourrions mettre cela à profit et utiliser ces espaces pour en faire des lieux ouverts ou des espaces de réunion et ce, nous l’espérons, avec la collaboration des bureaux du Parlement européen. Nous voudrions créer des espaces où les citoyens seraient invités à donner leur point de vue, où nous pourrions consulter, où nous pourrions travailler avec les médias et les impliquer. Cependant, sans l’aide des politiciens et des Etats membres, cela se révélerait être une tâche difficile à accomplir. Nous devons travailler de concert avec la société civile et avec tous ceux avec qui nous établissons des liens. Il appartient donc non seulement aux médias, mais aussi aux Politiques d’établir un espace ouvert aux citoyens.

Concrètement, vous rencontrez les représentants locaux?

MW: Bien sûr, très souvent. Par exemple, nos bureaux de représentation invitent des groupes de journalistes locaux afin de les tenir au courant de l’actualité européenne, mais aussi des représentants de la société civile et des personnes impliquées dans des projets financés par l’Union. Nos représentants font aussi en sorte que l’information soit diffusée au niveau local et national. Nous agissons donc au niveau local quotidiennement. Et c’est ce que nous allons développer de plus en plus. Par exemple, comment faire savoir aux gens que nous souhaiterions qu’ils réagissent à telle proposition ? Ceci n’a pas été fait de manière assez efficace. Comment faisons-nous savoir aux citoyens ce qu’il se passe au sein de l’Union ? Comment ceux-ci peuvent-ils donner leur point de vue ou partager leurs idées ?

MC : Dans votre plan D et votre stratégie de communication, vous dites vouloir utiliser internet. Plusieurs de nos lecteurs et certains membres d’Organisations non gouvernementales ont suggéré des outils, tel qu’ un référendum Pan-européen ou des consultations via Internet, ce qui a d’ailleurs été abordé à Bergame (Forum de la Société civile européenne). Pensez-vous que des consultations via le net constituent un nouvel outil potentiel ?

MW : En fait, nous utilisons déjà ce moyen. J’en ai fait l’expérience personnelle avec REACH, pour lequel nous avons reçu plusieurs milliers de contributions, et ce sur des détails spécifiques et techniques de la proposition. Il s’agit donc d’un nouvel outil et nous souhaiterions l’utiliser plus systématiquement. Nous disposons également de sites Internet où il est possible de débattre du futur de l’Europe. Le problème apparent est cependant le suivant : nous n’avons atteint qu’une partie de la population. Selon les chiffres, beaucoup d’hommes jeunes appartenant à une certaine tranche d’âge se sentent concernés, et par contre, beaucoup moins de femmes le sont.

En effet, 90% des personnes qui ont participé sont de sexe masculin.

MW : Oui, en effet, l’évaluation du plan D traite de cela, nous devons nous assurer que les femmes, elles aussi, se sentent concernées, ainsi que les jeunes, de façon à pouvoir mieux les impliquer dans les projets. Il est donc évident que nous devons utiliser un certain nombre d’outils différents, mais certainement Internet, de manière plus moderne si je puis dire.

Les personnes qui postent une réponse sur ces forums savent déjà comment fonctionne l’Union européenne. Comment pouvez-vous faire en sorte d’impliquer la tranche de la population moins informée ?

MW: Ceci peut être uniquement réalisé si l’information passe également par la télévision et la radio, qui constituent les deux canaux d’information principaux pour les citoyens. Nous voulons donc  toucher tout le monde, dans le sens large du terme. Nous devons également travailler avec la société civile, avec toutes ces organisations qui touchent les agriculteurs, les professeurs, les consommateurs, ou que sais-je. Nous devons travailler avec tous ces réseaux en parallèle, sinon, notre démarche reste vouée à l’échec.

MC : En parlant de société civile, vous avez avancé l’idée, à l’occasion de Bergame, que vous aviez l’intention d’évaluer les propositions faites par les ONG, et Mr. Sorensen (le directeur général de la Communication de la Commission) a suggéré que ces propositions seraient soumises aux leaders européens. Qu’en est-il exactement du futur de ces propositions ?

MW : Nous avons examiné cette question et nous commençons à faire un certain nombre de propositions sur des projets Pan-européens, où par exemple, nous organisons des consultations citoyennes. J’ai participé à un des premiers événements où 200 personnes, représentant chacun des Etats membres, sont venues discuter de l’agenda européen et de leurs priorités concernant l’Europe. C’est exactement le genre de choses que nous poursuivons dans le cadre de chaque Etat membre. Ceux-ci feront participer non pas les politiciens ou l’élite de la politique, mais bien des citoyens ordinaires qui auront la possibilité de s’asseoir et de parler de questions européennes. Ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce qui peut être réalisé, nous pouvons également concevoir des interviews plus en profondeur et des méthodes différentes afin de se rapprocher des citoyens. Dès que nous en verrons les résultats, il est évident que nous les rendrons publics et que nous utiliserons tout cela à bon escient.

MC : La Commission, via l’initiative « mieux légiférer » a récemment retiré prés de 70 propositions législatives n’ayant pas été discutées par le Conseil afin d’établir une Europe plus efficace. La proposition visant à créer un statut d’association européenne a été une de celles-ci. Pourtant, un tel statut aurait constitué un moyen utile pour développer la société civile européenne. Par exemple, aux Euros du Village, nous sommes en train de créer des entités nationales afin de se développer au niveau européen. Pouvez-vous nous dire si une telle proposition réapparaîtra un jour ?
 
MW : Je ne sais plus exactement depuis combien d’années cette proposition est dans les tiroirs mais cela fait longtemps et la question n’a jamais progressé. Je pense qu’il vaut mieux admettre que cette proposition, n’a apparemment pas d’avenir ou ne possède pas de soutien suffisant afin de pouvoir la faire avancer. Il est plus sage de repartir de zéro et de jeter les bases d’une nouvelle proposition susceptible de nous aider car, si mes souvenirs sont bons, je pense que l’autre proposition a stagné pendant 6 ou 8 ans. Il est dès lors mieux de repartir sur des bases entièrement nouvelles et d’envisager une perspective différente. La proposition originale agissait un peu comme un boulet, et cela n’est pas constructif de camper sur des positions de conflits clairement établies. Je pense néanmoins que cette proposition est utile mais que nous devons prendre un nouveau départ.
 
Ne  pensez-vous  pas qu’il s’agit  d’un mauvais signal?
 
MW : Pas nécessairement. Si nous n’avons pas été capables de faire avancer les choses d’un  iota, je crois qu’il faut une nouvelle proposition, de nouvelles idées. La proposition originale est devenue obsolète avec les années qui se sont écoulées. Il faut simplement trouver une autre solution.

Daisy AYLIFFE : Ma question se réfère à Strasbourg, vous en avez déjà beaucoup parlé auparavant, mais juste pour que les auditeurs puissent avoir votre avis grâce à notre site web… vous avez taxé le trajet régulier de Bruxelles à Strasbourg de « démentiel ». Est-il difficile de communiquer à propos de politiques que vous estimez illogiques ?

MW : C’était ma façon à moi de décrire les arguments et les réactions que j’ai pu entendre. Ce n’était pas ma façon propre de décrire les choses. Je fais de la politique depuis assez longtemps maintenant pour savoir qu’il y a des mots que l’on ne peut pas utiliser, cela dit c’est le genre de réactions que j’ai eues. J’ai donc voulu faire référence au genre de débat que l’on entend lorsque l’on en discute. Pour parler de Strasbourg, et ici encore une fois, je pense qu’il est utile d’aider les gens à comprendre pourquoi  cette décision fut prise dans le temps, pourquoi la ville de Strasbourg a une valeur symbolique importante  et le rôle que ceci a joué. Il est évident que 50 ans plus tard, la situation est tout autre, bientôt, il y aura 27 pays membres. La manière de prendre des décisions est donc devenue relativement lourde mais aussi onéreuse et irrationnelle. Nous devons expliquer l’histoire, pourquoi Strasbourg, et pourquoi une telle décision a été prise et démontrer ce qui serait une solution rationnelle au jour d’aujourd’hui. Malheureusement, si nous ne faisons rien pour faire changer les choses, cela risque de devenir un symbole connoté négativement. Ce qui fut jadis un lieu fantastique deviendra un symbole négatif aux yeux des citoyens ainsi que le synonyme d’une  perte d’argent et de temps.

C’est déjà la vision de beaucoup de monde, c’est-à-dire d’un million de personnes, qui elles, ont signé la pétition. Vous parlez d’être plus à l’écoute. Vous avez déclaré aux signataires : « nous sommes unis et nous avons fait savoir à la Commission le fond de notre pensée ». Comment l’Europe a-t-elle écouté ? Comment l’Europe a-t-elle réagi ?

MW : Il faut être extrêmement honnête avec les gens à propos de ces pétitions afin de leur expliquer à qui incombe la responsabilité, qui prend les décisions, et bien sûr, les signataires de cette pétition le savent pertinemment. La Commission n’a pas le droit de présenter une proposition, nous pouvons donner notre point de vue, mais la compétence relève ici des Etats membres. Dans cette problématique, c’est la France qu’il faut influencer. L’Allemagne également, afin d’aboutir à une négociation ou à une discussion.

La Commission serait-elle en mesure de recommander une telle chose?

MW : Non, nous ne sommes pas en mesure de le faire. Nous ne pouvons même pas, et toujours selon le traité, recommander une pareille chose, et cela doit être clair aussi aux yeux des citoyens, nous devons être honnêtes.

Cela dit, si un million de personnes se sont manifestées, la Commission ne devrait-elle pas prendre une décision?

MW : C’est exactement la raison pour laquelle, dans la nouvelle Constitution, il y a une clause concernant l’initiative des citoyens. Dans un cas pareil, en présence d’un million de signatures, la Commission devra être obligée d’avancer une proposition ou tout au moins de réagir. C’est donc une initiative que je soutiens, c’est quelque chose de primordial.

DA : Passons maintenant à votre politique pour impliquer d’avantage les jeunes, et comme dit précédemment,pour impliquer plus particulièrement les femmes. Vous avez publié une vidéo sur le net récemment, cela se passait dans une salle de conférence et des jeunes présents dans la salle vous posaient des questions. Pour être honnête, même en tant qu’adulte avec un intérêt pour l’Europe, cette vidéo a été très difficile à regarder : la qualité était mauvaise, il y avait des bruits de fond, et je me suis posé la question : est-ce cela le futur de l’interaction entre les jeunes et l’Europe ?

MW : J’en suis fort désolée. C’était la première fois que nous faisions une telle chose et il s’agissait d’une première pour nous tous. Nous nous sommes fait la même réflexion en la visionnant. C’était en effet une épreuve délicate, pour la première fois, le contenu a été interprété dans les 20 langues officielles et c’est pour cette raison que cette séance a eu lieu dans un espace si peu accueillant. Nous ferons en sorte la prochaine fois d’être plus professionnels, nous apprenons beaucoup de ces expériences.

Justement, quelle est la prochaine initiative?

MW : Peut-être que nous pourrions le faire avec moins de questions, afin de nous concentrer sur des problématiques plus spécifiques. Peut-être devrions nous laisser de côté un certain nombre de langues, afin que cela soit plus facile à organiser, ou peut-être un autre genre de lieu, où il est plus facile de s’entendre, il reste que c’était vraiment la première fois pour tout le monde.

Je le comprends fort bien. Vous pensez qu’il y existe un moyen pour que les politiciens s’adressent aux jeunes sans être aussi formels ?
 
MW : Oui, et d’ailleurs la plupart des figures politiques se rendent dans des écoles et s’asseyent avec les jeunes..
 
Il y a donc bel et bien un moyen.

MW : Bien évidemment. Il est toujours plus difficile de tout faire de façon institutionnelle, c’est toujours beaucoup plus lourd et cela en devient presque artificiel. Ce n’est pas votre façon réelle de vous exprimer tandis que si vous vous rendez dans des écoles, où vous vous asseyez en classe parmi les jeunes, vous les abordez de façon différente et cela peut donc déboucher sur une communication directe. Mais cela reste toujours plus difficile dans une configuration institutionnelle.

DA. Une autre question à propos du message que la Commission envoie à propos de la Turquie. Selon vous, puisque celui-ci est perçu de manière très négative :  les discussions sont gelées, mais aucun des chapitres de négociation n’est fermé… Quel genre de message, selon vous, la Commission envoie-t-elle aux citoyens européens et aux citoyens turcs à propos de la Turquie ?
 
MW : Il est désormais évident que la Turquie est candidate pour devenir un Etat membre de l’Union et les choses risquent de ne pas être aisées si ce pays  ne respecte  pas les conditions sur lesquelles nous nous étions mis d’accord. Bien sûr, la situation risque de s’envenimer s’ils ne sont pas prêts à accepter les autres pays membres de l’Union, alors que ceci constitue un prérequis basique ! Vous devez accepter l’existence de tous les Etats membres. Ceci constitue le point de départ.
 
Cela vous préoccupe-t-il que beaucoup de gens aient dit à la Turquie « vous devriez simplement faire demi-tour » ?. LUE s’apprête à fermer 8 chapitres de négociations…
 
MW : Vous savez, lors de nos débats, nous avons été très prudents. Nous avons beaucoup discuté de tout cela, nous devons êtres clairs sur les conditions d’adhésion et sur ce que nous attendons de la part de la Turquie. Parallèlement, nous ne souhaitons pas que ce processus soit abandonné. Nous souhaitons voir la Turquie s’impliquer dans les démarches d’adhésion et de dialogue et nous voulons être certains que nous avons une coopération établie afin de voir les choses bouger dans la bonne direction. C’est pourquoi les deux aspects sont primordiaux.

XLD. Une étudiante française ayant étudié en Suède et lectrice de notre site a été étonnée de rencontrer un sentiment nationaliste parmi les jeunes de ce pays. Elle  voudrait donc vous demander, en tant que vice-présidente de la Commission mais aussi en tant que personnalité de premier rang du parti social-démocrate dans votre pays, si vous seriez en mesure de renverser cette tendance nationaliste.
 
MW : Cette situation m’inquiète en effet, non seulement pour la Suède elle-même mais aussi pour d’autres endroits en Europe.. Malheureusement, cette tendance n’est pas limitée à la Suède. Vous la rencontrez également en Allemagne où des partis néo-nazis ont gagné des votes durant les élections. Ici, en Belgique aussi, et plus précisément à Anvers, nous assistons à la montée du Vlaams Belang qui a su convaincre 33% des votants. Ces tendances m’inquiètent. En Suède, par exemple, le Sverigedemokraterna, un parti très hostile à l’égard des immigrés, a gagné des sièges au sein de presque la moitié des municipalités. Cela est problématique à mes yeux. Je pense que nous devons donc initier un débat à propos de l’intégration, à propos de l’Europe, et sur le fait que le monde dans lequel nous vivons affiche aujourd’hui un visage différent. Et nous devons discuter des solutions à apporter.
 
DA : Vous croyez qu’il est possible de créer un sentiment de « vivre ensemble »?
 
MW: Oui, je pense que cela fait partie du travail de chaque politicien aujourd’hui.
 
Êtes-vous en mesure de le faire? Vous en sentez-vous capable ?
 
MW: Bien évidemment, sinon je ne ferais pas de politique sans penser que nous sommes capables de faire beaucoup de choses et nous devons en faire énormément ! J’estime que les deux défis les plus importants en Europe aujourd’hui sont les suivants : défendre et renforcer la démocratie en Europe d’une part, et d’autre part, se pencher de plus près sur la problématique de l’intégration. Et c’est uniquement grâce à cela que nous arriverons à un développement durable en Europe. Nous devons donc nous attaquer à ces problèmes.

DA : Justement, parlons du logo « Ensemble depuis 1957» des célébrations du cinquantième anniversaire du traité de Rome. Comme vous le savez sans doute, beaucoup de personnes l’ont rejeté et attaqué. Pensez-vous que la division que ce logo a immédiatement provoquée est révélatrice d’un problème plus profond?
 
MW : J’aime ce logo. Et je pense justement que c’est ce qu’un logo doit provoquer : des réactions. Bien évidemment, il sera analysé par la population, et ce n’est pas l’analyse elle-même qui est importante, mais bien le fait de trouver un symbole qui soit non seulement porteur de sens mais qui se mette également en valeur visuellement. Le débat qu’il a donc provoqué ne me fait pas peur et souvenez-vous également que ce logo a été réalisé par un jeune polonais. Pour lui, c’était le langage actuel, de sa génération, il a donc utilisé le moyen national pour le réaliser. Et puis, comme vous le savez, ce logo existe dans toutes les langues et je pense que je logo est parfait. Cela risque simplement de prendre du temps avant de conquérir la majeure partie des gens.
 
L’on dit pourtant que cela prendra du temps avant que ce logo ne se révèle porteur d’un vrai message.. Beaucoup de gens pensent en effet que vous essayez de trouver un symbole adéquat, mais que celui-ci  ne l’est pas.
 
MW : Je ne suis pas d’accord, c’est tout à fait le symbole approprié pour dire haut et fort que nous sommes un groupe uni! Mais nous devons faire face à cette situation. Nous ne sommes pas d’ores et déjà prêts, il s’agit aussi du futur. Mais c’est effectivement l’idée de base depuis 1957. Il s’agissait de dire que nous pouvions mieux faire les choses, non pas en se lançant à corps perdu dans des guerres, mais bien en s’asseyant autour d’une table pour discuter de nos problèmes et y trouver des solutions. Je pense donc que le symbole en question est parfait. Aussi controversé soit-il, je l’aime beaucoup.

XLD : Comme vous l’avez dit au début de l’entretien, l’UE a été créée pour assurer la paix en Europe. Quel est le message concret que l’Europe véhicule aujourd’hui ? L’Union a-t-elle assez à proposer pour bâtir un sentiment d’appartenance ?
 
MW : Je pense qu’il ne faut pas sous estimer le fait que l’objectif de paix en Europe est en réalité toujours d’actualité dans le sens où il s’agit de maintenir cette paix. On s’assied ensemble autour d’une même table pour discuter. C’est vrai et je pense que les jeunes générations le perçoivent, elles aussi. Mais nous sommes aujourd’hui davantage en quête d’un nouveau projet pour le futur qu’avant. Mon fils, qui a 20 ans et qui n’a donc pas vécu l’expérience de la guerre, désire plus que le projet américain global de paix en Europe. Il veut être en mesure de voir que nous sommes aussi capables de résoudre des problèmes qui ont trait à l’avenir. Pour moi, il est évident que le mot d’ordre de la Commission Barroso, à savoir solidarité, prospérité et sécurité, ne pose pas de problème. Mais, de mon point de vue l’avenir réside dans le développement durable.

Il faut montrer que l’Europe est capable de combiner une forte croissance économique et des niveaux élevés de protection sociale et environnementale.

C’est donc, pour ma part, le projet le plus fantastique qui soit, et je crois qu’il s’agit là d’un défi et d’un objectif  politique suffisant !

 

 

 

 

 

Publié dans MARGOT WALLSTRÖM

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