Les Français ont entendu mille fois le terme " décentralisation ", Ségolène Royal lui préfère l'expression " intelligence des territoires ". (TF1, 22/08/2006)

Publié le par François Alex

 

Mercredi 23 août

Le petit ségolisme illustré
par Renaud Pila

Depuis son envolée surprise dans les sondages il y a un an, la candidate à la candidature socialiste s'en tient à une stratégie payante : asseoir sa popularité sur une autre façon de parler en politique pour incarner le renouvellement.

Créé le 21 août 2006  
Mis à jour le 22 août 2006 à 10h09
 
 
 
 

Le constat est connu et ressassé depuis des années : les Français sont lassés de la politique, des acteurs qui la font mais aussi des discours qu'on leur sert. A gauche, Ségolène Royal profite à plein de l'usure des éléphants socialistes, comme si une mystérieuse fatwa avait été lancée contre ceux qui ont exercé des responsabilités durant les vingt dernières années. En cette rentrée, l'expérience est un boulet, la virginité un passeport d'avenir.

De façon moins visible, elle bénéficie aussi de l'usure des mots, perçus à tort ou à raison par l'opinion publique comme répétés mécaniquement par les uns et par les autres depuis trop longtemps. Or la politique est avant tout affaire de mots, la favorite des sondages l'a bien compris. Ainsi nul besoin pour la candidate de développer un programme dense, terrain sur lequel ambitionnaient de la faire venir ses adversaires, il lui suffit pour l'instant de " parler autrement ". Si la musique est différente à l'oreille, pense-t-elle, il est plus facile d'incarner la rénovation.

Elle s'adresse au coeur

Les Français ont entendu mille fois le terme " décentralisation ", elle lui préfère l'expression " intelligence des territoires ". On leur a proposé scrutin après scrutin une " réforme des institutions ", cela devient dans sa bouche " une révolution démocratique ". Ils ne croient plus dans la capacité des gouvernements à changer le monde, elle leur propose simplement d'y vivre avec " respect ", jusqu'à en faire un idéal : construire la " République du respect ". Dans le petit ségolisme illustré, on n'hésite pas à associer des mots pour leur donner une signification politique . Le citoyen devient un " citoyen-expert ", manière de s'adresser à lui en en faisant un acteur du changement à venir. Loin des statistiques ou des propositions chiffrées, elle s'adresse au cœur des personnes et en appelle à leur générosité collective. Elle entend ainsi réveiller les idéaux de gauche, avec pour références Léon Blum ou François Mitterrand dont elle revendique l'héritage. Lionel Jospin qui avait lui réclamé un " droit d'inventaire " du mitterrandisme n'est pas cité par la députée des Deux-Sèvres.

Considérant que la crise française est plus psychologique que politique, Ségolène Royal déroule ses exposés autour du rétablissement de " la confiance ", un mot qu'elle prononce toujours avec insistance et qui suscite les applaudissements de ses auditoires. Incontestablement, le " parler neuf " de la compagne de François Hollande se montre pour l'instant efficace et redonne un espoir de victoire à gauche.

Impressionnés par "Ségolène"

Les rituels d'une candidate en campagne s'installent, et sa retenue s'efface progressivement même si elle semble encore surprise par un tel engouement. " Merci, merci d'être là " dit-elle tout simplement aux personnes qui la regardent un peu bouche bée fendre la foule. Le dialogue a encore quelque peine à s'installer, comme si les uns et les autres étaient impressionnés par " Ségolène ". 

C'est la première personnalité à générer sur le terrain une ferveur populaire depuis la campagne victorieuse de François Mitterrand il y a 25 ans. Si la popularité en politique a une grande part d'irrationnel, le phénomène Royal le démontre encore une fois. Les militants interrogés parlent peu de ses propositions mais ne sont pas avares de qualificatifs sur son style et son verbe. " Elle n'a pas la langue de bois " , " elle est directe et à l'écoute ", " elle tient un discours proche des gens "... Et lorsqu'on leur demande un jugement sur ses concurrents pour l'investiture présidentielle, une impression revient comme une antienne : " ils appartiennent au passé ". 

En faisant sa rentrée politique tambour battant une semaine avant l'université d'été de la Rochelle, Ségolène Royal a voulu signifier aux militants socialistes qu'elle était prête au combat, à sa façon. Pas question en effet pour elle d'abandonner le registre de la modestie et des formules originales. " Si je suis en situation... " a-t-elle affirmé pour clore son discours, se gardant bien de prononcer le mot " élue ", un peu à la façon de celui ou celle qui peine à nommer un rêve trop vite concrétisé. Il est vrai que si elle semble aujourd'hui écraser ses rivaux dans les sondages ou sur le terrain médiatique, le film politique de ces dernières années incite à la plus grande prudence tant la transformation d'une popularité en suffrages reste une opération chimique des plus aléatoires.

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