Ce n'est pas la gauche radicale, altermondialiste et anticapitaliste, c'est plutôt une gauche modérée qui demande aux pays d'Europe de s'adapter, comme l'a déclaré Ségolène Royal au Nouvel Observateur

Publié le par François Alex

 


Chronique
Succès pour la gauche modernisatrice, par Thomas Ferenczi
LE MONDE | 20.04.06 | 13h22  •  Mis à jour le 20.04.06 | 13h22

vec la victoire de Romano Prodi, aussi étroite soit-elle, en Italie, la gauche est désormais au pouvoir dans douze Etats de l'Union européenne, soit qu'elle dirige le gouvernement, soit qu'elle le partage avec la droite. Les sociaux-démocrates sont aux commandes dans quatre pays d'Europe de l'Ouest - la Suède, la Grande-Bretagne, l'Espagne, le Portugal - et dans trois pays de l'Est - la Hongrie, la Lituanie, la République tchèque. Ils participent à des gouvernements de coalition, sous la direction de la droite, dans cinq autres Etats : l'Allemagne, la Belgique, Chypre, la Finlande, le Luxembourg.

 

Certes le temps de "l'Europe rose" n'est pas encore revenu, mais l'espoir renaît. Avant l'ouverture, dimanche 9 avril, des scrutins législatifs en Hongrie et en Italie, le président du Parti socialiste européen, Poul Nyrup Rasmussen, ancien premier ministre danois, affirmait que ces élections pourraient "changer le visage de l'Europe" en modifiant l'équilibre des forces.

Mais quelle est donc cette gauche qui gouverne une partie de l'Europe et tente d'y imprimer sa marque ? Ce n'est pas la gauche radicale, altermondialiste et anticapitaliste, c'est plutôt une gauche modérée, qui demande aux pays d'Europe de s'adapter, comme l'a déclaré Ségolène Royal au Nouvel Observateur (daté 6-12 avril), à la "nouvelle étape de la modernité mondialisée", sans subir, ajoutait-elle, "je ne sais quelle fatalité sous prétexte de mondialisation". Une gauche qui a voté oui au projet de Constitution européenne et qui souhaite une relance de l'entreprise communautaire. Une gauche qui ne craint pas de parler de flexibilité, de marché, de concurrence et qui n'hésite pas non plus à se référer à Tony Blair, ce travailliste aux accents libéraux honni de la "gauche de gauche". Une gauche qui refuse de s'enfermer dans un "modèle", aussi glorieux soit-il, et plaide pour l'efficacité économique.

Romano Prodi appartient à cette famille-là. Il l'a prouvé lorsqu'il était président du conseil italien, de 1996 à 1998, et il l'a confirmé lorsqu'il a occupé, de 1999 à 2004, la présidence de la Commission européenne. Il a été, en particulier, étroitement associé à la "stratégie de Lisbonne", adoptée en 2000 par les chefs d'Etat et de gouvernement, qui s'est donné pour objectif d'adapter l'Europe à la mondialisation. Il a lancé, à la fin de son mandat, une utile réflexion sur la nécessaire révision des priorités budgétaires de l'Union, en commandant à un groupe d'experts, sous l'autorité de l'économiste André Sapir, un rapport qui a fait grand bruit. Ce n'est pas un hasard si Tony Blair l'a repris largement à son compte.

Le premier ministre hongrois, Ferenc Gyurcsany, qui a de bonnes chances d'être reconduit à son poste à l'issue du second tour, le 23 avril, incarne aussi cette gauche moderne. Ce riche entrepreneur, qui a fait fortune à la tête d'une société d'investissements pendant la période des privatisations, croit aux mérites du pragmatisme et aux vertus de la compétitivité. Du Suédois Göran Persson au Lituanien Algirdas Brazauskas, en passant par l'Espagnol José Luis Zapatero, les chefs de gouvernement sociaux-démocrates se montrent volontiers infidèles à l'orthodoxie socialiste.

Quant à ceux qui participent à des gouvernements de coalition, comme en Allemagne ou en Belgique, ils ont accepté des compromis avec la droite pour mener à bien une politique de réformes. "Les réformes structurelles sont essentielles et l'Europe en a besoin", déclaraient à Londres, à l'automne dernier, les socialistes européens.

En France, les candidats à la candidature au sein du PS devront dire aussi clairement que possible s'ils s'inscrivent dans ce mouvement ou s'ils s'en désolidarisent au nom du particularisme de la culture nationale.


Thomas Ferenczi
Article paru dans l'édition du 21.04.06
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