Il faut ouvrir la négociation en priorité sur la sécurisation du parcours professionnel, en clair, la « flexicurité », comme on dit dans les pays de l'Europe du Nord (CFDT, 07/04/2006)

Publié le par François Alex

Retour à la page d'accueil

François Chérèque dans Paris Match

« Voici nos conditions pour négocier »

Dans une interview publiée dans Paris Match le 5 avril, François Chérèque demande le « retrait du contrat première embauche » et « l'ouverture de négociations sur l'emploi des jeunes ». Avant la rencontre avec les parlementaires UMP, il expose ses conditions pour négocier.

Paris Match. Avec l'entrée de Nicolas Sarkozy et des députés de l'UMP dans le jeu, y a-t-il une nouvelle donne ?
François Chérèque. C'est une proposition écrite par les députés qui doit régler le problème du Contrat première embauche (CPE). On change donc d'interlocuteurs mais pas d'objectif.

Quel sera-t-il ? Retrait, abrogation, cela revient au même.
Pas tout à fait. Si le président avait refusé de promulguer cette partie de la loi et avait demandé une seconde lecture, le message aurait été plus clair vers une fin du CPE. À présent, il faut que la loi que les députés vont rédiger ne reprenne pas le CPE.

Quelle sera votre démarche ?
Double : obtenir un texte qui dit que le CPE ne s'appliquera pas : c'est le principe de l'abrogation et qu'elle nous engage, nous, partenaires sociaux, dans le respect de la loi Fillon de 2004 sur le dialogue social, à une négociation interprofessionnelle sur le sujet de l'emploi des jeunes, mais aussi sur celui que le président de la République a soulevé : la sécurisation des parcours professionnels. Il s'agit de donner plus de garanties aux salariés en échange d'une plus grande fluidité du marché du travail pour les entreprises. Des garanties d'autant plus nécessaires que la précarité aujourd'hui est bien plus forte qu'il a vingt ans.

Cela vous oblige à faire des propositions.
Notre plus grande frustration, c'est de ne pas entré dans une phase de propositions. Les différentes ouvertures de dialogue que nous avons faites au Premier ministre étaient pour lui dire : « Vous enlevez le CPE et vous ouvrez des négociations sur l'emploi des jeunes ».

Y a-t-il des préalables à la rencontre avec les députés de l'UMP ?
On ne va pas les rencontrer pour négocier les adaptations au CPE. On ne va pas accepter avec eux ce que l'on a refusé à Monsieur de Villepin pendant deux mois. S'ils nous proposent un débat où l'on peut parler de l'abrogation et de propositions alternatives, les conditions du dialogue seront rétablies.

Jacques Chirac a cadré la discussion : période de consolidation d'un an, motif de licenciement...
Les contacts que nous avons eus ce week-end nous font penser que la discussion sera beaucoup plus large. Y compris sur le retrait du CPE.

Vous avez des contacts avec Nicolas Sarkozy ?
Comme tous les responsables de Confédération, j'ai eu un appel samedi 1er avril, dont l'objet était d'aller vers une rencontre des députés UMP. Je lui ai rappelé nos exigences.

Vous l'avez senti bienveillant ?
J'ai senti qu'il était dans son rôle de président du premier parti de la majorité. Qu'il était là pour coordonner l'action des députés.

Qu'il était prêt à abroger ?
Je n'ai pas d'indication sur son engagement ou non. C'est la discussion qui nous apportera une réponse.

Vous avez eu des contacts avec l'Élysée ?
Pas depuis la déclaration du président, mais avant, avec ses conseillers.

Avez-vous été écouté par le président ?
En promulguant la loi, il ne nous a pas totalement entendus. Mais en annonçant qu'elle ne devait pas s'appliquer, il voulait donner le signe que la loi n'était pas bonne.

Y a-t-il une tentative de récupération politique ?
Que les partis d'opposition profitent de la crise, c'est la loi du genre. Mais je crois que nous avons réussi à éviter une instrumentalisation de la part de la gauche.

Dominique de Villepin est-il le grand responsable de la crise ?
Le gouvernement a fait trois erreurs. D'abord, partir d'un mauvais diagnostic du Premier ministre : M. de Villepin a cru qu'on pouvait régler le problème de l'emploi des jeunes en leur proposant un type de contrat unique pour tous ; or il ne peut y avoir de réponse en les traitant tous de la même manière. Ensuite, créer le sentiment d'une discrimination par l'âge. Enfin, ne pas respecter le dialogue social de la loi Fillon de 2004 ; avoir transgressé la parole des députés qui s'étaient engagés à ne plus fonctionner comme cela.

Les négociations vont-elles être rapides ?

Nous préférions une loi rapide qui nous montre qu'on enlève le CPE. Et qu'elle dise qu'il y a deux négociations à ouvrir en priorité : celle sur l'accès des jeunes à l'emploi qui peut durer quelques mois et celle sur la sécurisation du parcours professionnel, en clair, la « flexicurité », comme on dit dans les pays de l'Europe du Nord. Cette négociation pourrait durer plus longtemps car elle met en chantier l'évolution du contrat de travail, mais également celle de l'assurance-chômage.

« Syndicat réformiste », ne risquez-vous pas d'être fragilisé par le récent manque de dialogue ?

Cette crise donne d'abord beaucoup de visibilité à la CFDT. Elle permet de démontrer que le réformiste n'est pas une démarche syndicale molle qui se contenterait d'adapter les systèmes sociaux aux propositions du gouvernement ou du patronat. C'est être exigeant sur les réformes et participer à leur construction.

Propos recueillis par Willy Golbérine pour Paris-Match le 3 avril 2006 pour l'édition du 5 avril 2006. Tous droits de reproduction et de diffusion réservés Paris Match © CFDT (mis en ligne le 7 avril 2006)

Publié dans FLEXICURITE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article