« La Finlande poursuit ainsi un cercle vertueux : innovation-industrialisation-redistribution », explique Pekka Himanen, sociologue. (Challenges.fr, 06/07/2006)

Publié le par François Alex

Challenges

 

Vent d’espoir sur l’Europe
par Didier Pavy et Jean-Pierre Frigo

A Bruxelles, la Finlande, nouvelle présidente des 25,
a bien l’intention de concrétiser les projets « citoyens ».


Challenges.fr | 06.07.2006

« On ne cesse de dire que l’Union européenne est en crise, mais à chaque fois elle se relève. Nous nous sommes bien préparés. Nous essaierons d’être aussi concrets, aussi pragmatiques que possible. » Une semaine avant que son homologue autrichien, Wolfgang Schüssel, lui passe le témoin de la présidence tournante de l’Union européenne, le Premier ministre finlandais, Matti Vanhanen, a fait preuve d’optimisme le 25 juin, à Helsinki.

Il est vrai, contrairement à ce qu’on affirme bien souvent dans le microcosme bruxellois, que l’UE ne s’est pas retrouvée totalement paralysée à la suite du double vote négatif franco-néerlandais du printemps 2005. Au rêve déçu de certains de voir naître prochainement des Etats-Unis d’Europe se substitue aujour­d’hui une approche plus réaliste. Pour Jacques Chirac, il s’agit de « faire vivre l’Europe des projets ». José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, cherche à promouvoir, de son côté, « l’Europe des résultats » . Le but étant, dans un cas comme dans l’autre, de tenter de réconcilier 450 millions de citoyens avec cette Europe qu’ils jugent bien souvent lointaine, et plus encline à céder aux sirènes du libéralisme qu’à les protéger contre les aléas de la mondialisation. C’est le constat qui ressort du dernier sondage Eurobaromètre, publié au début du mois de mai.

Au cours des douze derniers mois, la Commission européenne, les gouvernants des 25 Etats membres et les élus du Parlement européen sont tout de même parvenus à consolider, ou à lancer un certain nombre de programmes destinés à répondre à ces attentes que l’on qualifie aujourd’hui de « citoyennes » : protection sociale, défense de l’environnement, sécurité, éducation-formation… Revue de détail.

Erasmus Mundus

Popularisé par le film L’Auberge espagnole , de Cédric Klapisch, le programme Erasmus permet de partir étudier de trois mois à un an dans une université étrangère. Depuis sa création en 1987, 1,2 million d’étudiants en ont bénéficié. La Commission européenne voudrait qu’ils soient 3 millions en 2012. Du coup, jusqu’en 2013, le budget d’Erasmus sera multiplié par deux, passant de 46 à 93 millions d’euros.

Institut européen de technologie

L’Europe restant à la traîne pour ce qui est de la création, de la diffusion et de l’application de « nouvelles connaissances », José Manuel Barroso avait lancé, en février 2005, l’idée de créer un institut européen de technologie (IET) sur le modèle du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis. Les Etats membres l’ont approuvée. Les milieux scientifiques et le monde de l’entreprise l’applaudissent. Le projet est en cours.

Fonds européen d’ajustement à la mondialisation

En mars dernier, la Commission européenne a proposé d’allouer jusqu’à 500 millions d’euros par an à un fonds européen destiné à attribuer des compléments salariaux, un recyclage ou une aide concrète aux travailleurs victimes de la mondialisation de l’économie pour qu’ils trouvent un nouvel emploi. Les 25 Etats ont accueilli favorablement ce projet, et ce fonds devrait être disponible au plus tard à la mi-2007.

Aide humanitaire

Avec 6,2 milliards d’euros, l’Union européenne (Commission et Etats membres) s’est révélée être en 2005, une fois encore, le premier donateur d’aide humanitaire dans le monde. Entre 2001 et 2005, les sommes engagées ont progressé de 54 % et les versements, de 52 %. Lors du tsunami de décembre 2004 en Asie, les 450 millions d’euros d’aide de l’UE aux victimes de ce raz de marée dévastateur ont été rassemblés avec une rapidité sans précédent grâce au service EuropeAid de la Commission européenne.

Sécurité maritime

Le commissaire maltais Joe Borg a présenté, le 7 juin, un Livre vert destiné à mettre en place une gestion intégrée de l’espace maritime. La création d’un corps de gardes-côtes européen est envisagée pour lutter contre les marées noires, veiller au respect des quotas de prises par les pêcheurs, ou s’opposer aux tentatives illégales d’immigration.

Energie

La récente explosion des cours du pétrole et la raréfaction des ressources fossiles ont conduit les Vingt-Cinq à chercher la meilleure manière de s’assurer ensemble une énergie durable et moins chère. Si la solution d’une « politique commune », comparable à celle qui existe pour l’agriculture, est pour le moment hors de question, « la création d’un marché réellement intégré de l’énergie reçoit maintenant un soutien des Etats membres qui n’existait pas auparavant » , estime un porte-parole de la Commission.

Innovant, le modèle finlandais

La Finlande a pris, le 1er juillet, la présidence de l’Union européenne. Le récent rapprochement entre le champion national, Nokia, et l’allemand Siemens rappellele dynamisme de ce pays de 5 millions d’habitants. Derrière Nokia se profilent les start-up de la biotech’. « Toute entreprise peut profiter de la synergie entre la R&D pour l’innovation, l’industrie pour l’application, et nos fonds nationaux Sitra et Tekes pour le financement », souligne Pekka Ylä-Anttila à l’Etla, l’Insee finlandais. Les succès de StoraEnso, UPM et M-real, géants du bois-papier, reposent aussi sur une haute technologie boostant productivité et compétitivité. Le progrès industriel finance l’Etat providence.

« La Finlande poursuit ainsi un cercle vertueux : innovation-industrialisation-redistribution », explique Pekka Himanen, sociologue.

Malgré une lourde fiscalité, ce modèle de société connaît une solide cohésion sociale. Même avec 8,1 % de chômage, les allocations de l’Etat protègent le chômeur de l’exclusion, lui garantissant le gîte (le mot « expulsion » n’existe pas en finnois), le téléphone et les transports urbains. En outre, la Finlande est un des seuls pays de l’UE à respecter la stratégie de Lisbonne sur l’innovation (3,4 % du PNB en R&D). L’excellence de l’éducation scolaire finlandaise joue aussi un rôle clé, le pays caracolant en tête du classement mondial Pisa, qui mesure les connaissances des collégiens de 15-16 ans. Cette performance a attiré à Helsinki les experts du monde entier. Pendant ce temps, en bons luthériens, bûcheurs et modestes, les Finlandais affectent d’ignorer qu’ils sont devenus des modèles européens !

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Publié dans MODELES NORDIQUES

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