On ne croit pas à la tentative de restauration d'un PS un peu mythique que Lionel essaie de mettre en oeuvre et qui correspond à celui des années 1980 (LM, 24/09/06)

Publié le par François Alex

LE MONDE | 23.09.06 | 13h58  •  Mis à jour le 24.09.06 | 21h17

 

A écouter Lionel Jospin expliquer, jour après jour, qu'il y a "trop de candidats", Dominique Strauss-Kahn finit par voir rouge. Non, l'ancien ministre ne se retirera pas de la course à l'investiture présidentielle du PS au profit de l'ancien chef de gouvernement, et le fait savoir. "Dominique et ses amis ont pris la décision unanime de continuer", souligne l'un des plus proches lieutenants de "DSK", Jean-Marie Le Guen. "Lionel, accuse le député de Paris, joue très peu collectif. Il est dans une démarche personnelle teintée de mépris pour les autres assez injuste." Les jospinistes d'hier se rebiffent. Et s'émancipent.
 

AFP/PHILIPPE HUGUEN
Dominique Strauss-Kahn face aux militants
socialistes lors des débats à Lens,
dans le Pas-de-Calais, le 16 septembre.
 
Dans les rangs "strauss-kahniens", où se trouvent en effet nombre d'anciens amis de Lionel Jospin, dont Jean-Christophe Cambadélis et M. Le Guen, la colère monte. Un peu d'inquiétude aussi, en raison des rumeurs qui se propagent sur l'air de "Dominique-n'ira-pas- jusqu'au bout" et qui pourraient coûter quelques défections. "DSK", qui a déjà perdu des alliés au profit de Ségolène Royal, comme Gérard Collomb, le maire de Lyon, ne peut pas se le permettre. Il n'est plus temps de prendre des gants, alors que la pression s'accroît et que l'hypothèse de la candidature Jospin prend forme.

 

"DÉFENSEUR DU STATU QUO"

 

"Si on partage une même culture avec Lionel Jospin, souligne M. Le Guen, nous n'avons absolument pas la même analyse, ni le même projet. Nous pensons qu'il y a une aspiration au renouvellement de la gauche. Or, Lionel se fait le défenseur du statu quo, il ne perçoit pas cette aspiration". Le divorce est consommé. Et il se fait dans la douleur. "On a des regrets pour la personne, mais aucune nostalgie pour l'action politique", lâche le député de Paris.

A Lens, le 16 novembre, après la confrontation des candidats potentiels devant les militants, les visages des partisans de M. Strauss-Kahn en disaient longs sur leur dépit. Depuis, leur ressentiment n'a cessé d'augmenter. Et la récente rencontre entre M. Jospin et son ancien ministre, dans le cadre d'une tournée des candidats que le premier a effectué, - sauf avec Ségolène Royal -, ne s'est pas bien passée. "On ne croit pas à la tentative de restauration d'un PS un peu mythique que Lionel essaie de mettre en oeuvre et qui correspond à celui des années 1980, pas à un socialisme de propositions que nous voulons promouvoir", lance M. Le Guen qui se dit "étonné et triste que Lionel ne se rende pas compte du décalage". "Dans le genre défense de la tradition, ajoute-t-il avec cruauté, Laurent Fabius est aujourd'hui plus convaincant".

L'aspiration au "renouvellement" mis en avant par les partisans de M. Strauss-Kahn est un terrain très disputé, puisque Ségolène Royal en a fait le coeur de sa campagne. Mais, assure, M. Le Guen, "on s'en distingue puisque chez Ségolène, cela passe surtout par la forme et dans l'ambiguïté"...

Il reste que cette bataille entre anciens et rénovateurs, entre "archéos" et modernes, attisée de plus en plus par les uns et les autres à quelques jours du dépôt des candidatures prévu du 30 septembre au 3 octobre, pourrait bien se révéler, à court terme, destructrice pour le parti.

Isabelle Mandraud
Article paru dans l'édition du 24.09.06
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