Une partie des sociaux-démocrates européens a déjà beaucoup avancé dans leur travail de rénovation, d'autres, comme les Français, n'en sont qu'au tout début. (Le Monde, 11/05/2007)

Publié le par François Alex

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Chronique

 

Si la gauche se porte mal en France, elle n'est pas non plus très vaillante dans le reste de l'Europe. Il y a un an, elle semblait portée par des vents favorables. Ceux-ci ont aujourd'hui tourné. La défaite de Ségolène Royal, le 6 mai, n'illustre pas seulement l'échec des socialistes français, elle correspond aussi à un recul de la social-démocratie dans de nombreux Etats de l'Union européenne. Le succès d'Angela Merkel en Allemagne, en septembre 2005, a annoncé cette évolution, même si la nouvelle chancelière ne l'a emporté que de justesse et si les deux principaux partis ont choisi de travailler ensemble au sein d'une grande coalition.

En Grande-Bretagne, les conservateurs, sous l'impulsion de David Cameron, redressent la tête. Certes le Parti travailliste est encore au pouvoir, mais sa popularité est en chute libre. A Berlin comme à Londres, l'Etat-providence est l'une des cibles de la droite. Mme Merkel a fait campagne pour que son rôle soit sensiblement réduit. M. Cameron appelle à une réforme qui "encourage la responsabilité" et remette les gens au travail. Les concessions de Gerhard Schröder et de Tony Blair au néolibéralisme n'ont pas suffi à désarmer les critiques.

La "droitisation" de l'Europe s'est exprimée de la manière la plus symbolique en Suède quand la social-démocratie, en septembre 2006, a été battue par les "nouveaux conservateurs" de Fredrik Reinfeldt, au nom du renouvellement du vieux modèle scandinave, longtemps considéré comme un exemple en Europe. Comme Nicolas Sarkozy en France, le chef de la droite suédoise a plaidé pour la revalorisation du travail, dénoncé l'assistanat, promis plus d'emplois. Une fois élu, il s'en est pris aux jeunes chômeurs qui refusent les offres proposées par les agences spécialisées.

Deux autres pays nordiques sont également gouvernés par la droite. En Finlande, les centristes au pouvoir ont rompu leur alliance avec les sociaux-démocrates, après les élections de mars 2007, pour s'unir aux conservateurs. Au Danemark, le libéral Anders Fogh Rasmussen a éliminé en novembre 2001 son homonyme socialiste, Poul Nyrup Rasmussen, en durcissant le ton à l'égard des étrangers, comme l'a fait Nicolas Sarkozy, pour attirer les électeurs de l'extrême droite. Il a été reconduit en février 2005 alors que les sociaux-démocrates ont encore perdu des voix.

La social-démocratie a subi un important revers aux Pays-Bas en novembre 2006 avant d'accepter d'entrer dans le gouvernement de coalition dirigé par le chrétien démocrate Jan Peter Balkenende. Elle a été écartée du pouvoir en République tchèque après sa défaite de juin 2006. En Pologne, elle est hors jeu. Il y a certes des exceptions en Europe : la gauche gouverne en Espagne, en Italie, au Portugal, en Hongrie mais aussi, depuis janvier, en Autriche, au prix d'une coalition avec les démocrates chrétiens. Chaque Etat a ses particularismes, liés à son histoire nationale, à sa culture politique, à ses choix idéologiques. Mais la crise touche presque tous les partis socialistes.

Dans la plupart des pays européens, la demande d'ordre et d'autorité provoquée par les bouleversements du monde favorise la droite. Le modèle social-démocrate n'y répond en effet qu'imparfaitement. Ses bases sont désormais fragilisées. Traditionnellement il reposait sur deux piliers : un compromis entre le capital et le travail, un accord entre la classe ouvrière et les classes moyennes. Or la mondialisation a mis le premier en péril tandis que la montée des inégalités a rendu le second plus aléatoire. C'est cette difficulté que doivent résoudre les sociaux-démocrates s'ils veulent reconquérir le soutien de l'opinion. Une partie d'entre eux a déjà beaucoup avancé dans leur travail de rénovation, d'autres, comme les Français, n'en sont qu'au tout début.

Thomas Ferenczi
Article paru dans l'édition du 11.05.07.

LE MONDE | 10.05.07 | 14h06  •  Mis à jour le 10.05.07 | 14h06

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